Oscar Pistorius, star planétaire et icône du sport paralympique, est inculpé du meurtre de sa compagne Reeva Steenkamp le 14 février 2013. Avant cela, le sprinteur sud-africain était un pionnier et une inspiration en réalisant l’exploit de participer aux Jeux olympiques avec des jambes artificielles. Retour sur la vie mouvementée du “Blade Runner”, de son enfance à sa carrière sportive jusqu’à la tragédie, en ce soir de Saint-Valentin 2013.
Par Evan Glomot
Un athlète mondialement célèbre, visage de l’handisport et figure de la résilience. Une mannequin star de télé-réalité et présentatrice télé vedette dans son pays. Oscar Pistorius et Reeva Steenkamp, tous deux sud-africains, ont tout du couple parfait. Leur idylle commence en novembre 2012. Mais trois mois plus tard, cette love story de rêve vire au cauchemar, une nuit de Saint-Valentin. La jeune femme de 29 ans est abattue chez elle, dans sa résidence fermée de Silver Woods Country Estate, une enclave très sécurisée de Pretoria, la capitale administrative de l’Afrique du sud. Pistorius, avec qui elle est domiciliée, est soupçonné d’avoir tiré quatre balles sur sa compagne, à travers la porte de leur salle de bain, dans laquelle la victime s’était réfugiée.
Touchée à la tête, au bras, à la main et à la hanche, Reeva Steenkamp succombera à ses blessures. Hilton Botha, l’inspecteur de cette affaire, se souvient : “Je l’ai trouvée au pied de l’escalier, recouverte de serviettes, baignant dans une mare de sang” raconte t-il à Vanity Fair. S'opposent alors deux possibilités: était-ce un acte prémédité ou un accident ? Le sprinteur se défend par la seconde option. Selon ses dires, il aurait confondu sa compagne avec un cambrioleur : “j'ai entendu un bruit venant des toilettes. J'ai supposé que c'était la porte qui s'ouvrait et avant même de m'en rendre compte j'avais tiré quatre coups. J'ai ouvert la porte et j'ai tout de suite vu Reeva sur les toilettes. J'ai su qu'elle était morte, je me suis mis à genoux et l'ai serrée contre moi”.
Un premier chef d’accusation en 2009
La justice n’entend pas les propos de l’accusé. Botha explique : “Il n’y avait qu’eux dans la maison et, d’après tous les registres de la sécurité, elle y était depuis deux ou trois jours. Il n’y a pas eu d’effraction. Le seul accès possible était la fenêtre ouverte de la salle de bains et nous avons tout fait pour voir si quelqu’un était passé par là. Réponse : impossible”. Pistorius est condamné en appel à une peine de 15 ans de prison pour homicide volontaire. Il faut dire que les témoignages n’allaient en aucun cas dans le sens de l’athlète. Des voisins auraient entendu des cris provenant d’une dispute plus tôt dans la soirée, dans la demeure du champion. De plus, il n’en serait pas à son premier coup de sang.
En effet, en 2009, il est accusé d’avoir grièvement blessé une jeune femme en lui claquant une porte au visage lors d’une soirée. Les poursuites furent abandonnées après que le sud-africain ait contesté les faits. Mais comment l’homme aux nombreuses médailles paralympiques et aux exploits retentissants a pu en arriver là ?
Pour comprendre le parcours de Pistorius, il faut remonter jusqu'aux racines. Issu d’une famille aisée de Pretoria, le petit Oscar nait sans péroné et est amputé des deux jambes sous le genou à l'âge de onze mois seulement. Six mois plus tard, il apprend à marcher avec des prothèses spécialement réalisées pour lui. C’est même sur un coup du sort et une blessure que le jeune adolescent de 17 ans prend connaissance de sa future discipline. Alors qu’il pratique le rugby depuis tout jeune, un sport qu’il apprécie particulièrement, il se brise le genou en juin 2003. Pour faciliter sa rééducation, son médecin lui conseille la course à pied.
C’est le grand tournant de la vie d’Oscar Pistorius. Preuve en est, un an plus tard, il participe aux jeux paralympiques et obtient deux médailles, l’une en or sur 200m et l’autre en argent sur 100m. Ce n’est que le début d’une longue moisson de récompenses. Triple champion paralympique sur 100m, 200m et 400m à Pékin en 2008, puis encore auréolé à Londres en 2012 (l’or sur 400m et 4 fois 100m, l’argent sur 200m). Mais ces jeux dans la capitale anglaise font du “Blade Runner”, son surnom en référence à ses prothèses en carbone et au film de Ridley Scott du même nom, un pionnier et un exemple. En effet, il devient le premier athlète amputé à se qualifier aux épreuves d'athlétisme et participe donc aux Jeux Olympiques avec des athlètes valides. Cet accomplissement fait de lui un sportif reconnu et respecté de tous. Cette année-là, il est au sommet de sa popularité et devient un personnage médiatique dans le monde entier.
Le clan Pistorius défend corps et âme l’accusé
Le meurtre de sa compagne quelques mois plus tard et son accusation fait donc la une de tous les journaux, médias et JT internationaux. Encore plus en Afrique du Sud où l'émotion est intense. Captivée par cette affaire, la population souhaite la diffusion télévisée des débats de l’audience, ce que les avocats et procureurs refusent. Cet événement écorne bien entendu l’image publique d’Oscar Pistorius. Au cours de l’enquête, les médias le décrivent comme un passionné d’armes à feu, un homme violent disposé à perdre facilement et rapidement son sang-froid. Son entourage l’a toujours soutenu dans cette affaire. “Je ne peux pas imaginer Oscar perpétrant les actes commis dans cette pièce ce soir-là” déclare Mike Azzie, un ami de longue date du sportif.
Il justifie la défense de l’accusé et son port d'armes:
“En Afrique du Sud, personne n’est en sécurité. Ils ne se contentent pas d’entrer chez vous, de vous ligoter et de vous voler vos biens. Ils vous humilient devant votre famille. Ils violent votre femme, pissent sur vos enfants, tuent le chef de famille d’une balle dans la nuque et laissent les gamins orphelins. Ici, vous avez un gosse privé de ses jambes. Il entend du bruit dans la maison, sa petite amie est là et aussitôt il passe en mode combat et panique. Il se dit : je dois protéger cette fille. Je ne vois pas ce qui aurait pu se passer d’autre dans la tête de ce pauvre gamin”.
Son enfance, source de ses problèmes ?
Par le passé, l’athlète avait déjà fait parler de lui dans la case fait divers, notamment lorsqu’il décharge accidentellement le pistolet d'un ami dans un restaurant de Johannesburg, ou lorsqu’il avait tiré dans le plafond d'une voiture décapotable alors qu'il était en compagnie d'une autre petite amie. Il faut encore une fois remonter à l’enfance et à l’adolescence pour décrypter le mental défaillant de Pistorius.
Traumatisé par le divorce de ses parents à 6 ans puis par le décès de sa mère à l'âge de 15 ans. Le jeune homme est abasourdi par la disparition de “son être le plus cher”, “la seule et unique femme de sa vie” selon ses proches. En mauvais terme avec son père, il se retrouve seul avec son frère et livré à lui-même, sans aucun repère, dans la plus grande métropole d’Afrique du Sud, Johannesburg. Une ville à l’époque de l’apartheid gangrené par le racisme et la violence. L’homme, 35 ans aujourd’hui, a toujours expliqué que cette enfance difficile l’a forgé dans son parcours de sportif et lui a permis de réaliser toutes ses prouesses. Un mental d’acier dans sa carrière professionnelle mais fragile dans sa vie personnelle.
L’une des rares interventions médiatiques du sprinteur dans les médias depuis le drame intervient en 2016, sur la chaîne britannique ITV. Il se défend encore et clame toujours avoir tué sa petite amie par erreur : “Reeva était une personne fantastique, mais si les gens pensent que je l'ai volontairement tuée, ce qui n'a jamais été établi, alors c'est très triste”. A cette époque, il est alors condamné en première instance à cinq ans de prison pour homicide involontaire, sort après un an d'incarcération et est assigné à résidence. Sa culpabilité reste immense: “J'ai pris la vie de Reeva et je dois vivre avec ça. Je sens encore le sang, je sens la chaleur sur mes mains. Je comprends la souffrance des gens qui l'ont aimée et à qui elle manque. Je ressens la même douleur, la même haine envers moi-même” déclare t-il.
“Oscar, Oscar, Oscar, et Reeva alors ?” Cecil Myers, amie de Reeva Steenkamp.
Dans cette interview, Pistorius tente d’amadouer l’opinion publique et narre les souhaits que son épouse défunte aurait eu pour lui : “Je ne veux pas retourner en prison. Je ne veux pas gâcher ma vie là-bas. Si j'avais l'occasion de me racheter, j'aimerais aider les plus défavorisés. Je crois que si Reeva me regarde, elle voudrait que je vive cette vie-là”.
Des propos qui ont fait polémique à l’époque. Barry Steenkamp, père de la victime, avait répondu au tribunal en déversant sa peine : “Je pense à elle tout le temps. Les gens disent qu’il faut deux, trois ans pour commencer à aller un petit peu mieux. Mais chaque jour de ma vie se ressemble. Oscar Pistorius doit payer pour son crime.”
L’entourage de la mannequin décédée regrette que toute l’attention médiatique soit tournée envers le tueur et non la victime. Cecil Myers, une de ses meilleures amies dénonce : “Il n’y en a aujourd’hui que pour Oscar, Oscar, Oscar. Et Reeva, alors ?”.
La famille de la mannequin obtient finalement justice le 24 novembre 2017, lorsque son bourreau est condamné en appel à 15 ans de prison, après que la cour suprême ait entendu les arguments de l’état sur une extension de peine.
“La famille Steenkamp va pouvoir tourner la page maintenant qu’une peine convenable a été fixée. Reeva va pouvoir enfin reposer en paix.” confie un porte-parole de la famille en réaction à cette décision. Le clan Pistorius, par le biais de son frère Carl, s’est quant à lui dit “brisé, dévasté, dégouté”.
Aujourd’hui, la trace laissée par l’athlète aux 6 médailles d’or paralympiques n’est plus celle d’un battant dont on vante les mérites, mais bien celle d’un meurtrier qui a abattu sa compagne, un soir de Saint-Valentin.
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